Bhismasana, le lit du fakir

Bhismasana

 En l'honneur de Bhisma, héros du Mahabarata

Une posture crée par BKS Iyengar

Posture passive géniale inventée par BKS Iyengar afin de stimuler le système immunitaire de la personne qui la pratique. Elle est directement inspirée d'un épisode du Mahabarata, le fameux lit de flèches où Bhisma trouvera enfin la mort. Elle fait également référence au lit de clous des "fakirs". Il y a évidemment une histoire derrière cette posture qui stimule la production des globules blancs, soldats de notre système immunitaire.

Voici son histoire...

Bhisma est ce personnage clé de l'épopée du Mahabarata... dont la mort mettra fin à la guerre fratricide entre les clans des Kaurava et des Pandava. Suite à une série d'aventures de jeunesse ( que nous ne relaterons pas ici ), Shiva a donné à Bhisma le don unique de choisir lui-même le moment exact de sa mort.

Bhisma est ce sage invincible, respecté et craint par tous, maître d'arme incontesté de tous les belligérants qui  suite à diverses péripéties, se range du côté des Kaurava, ennemis d'Arjuna et de son cocher qui n'est autre que Khrishna ( Bhagavad gita ). Ceux-ci pour gagner la guerre et ainsi rétablir le Dharma ( la loi, la voie de l'équilibre ) doivent nécessairement tuer Bhisma.

La mort de Bhisma:

Au cours de la neuvième journée de bataille, il était clair que les Kauravas, les ennemis du dharma, ne pourraient perdre tant que Bhishma ne serait vaincu. Or, Bhisma ne pouvait tuer directement les Pandavas, Arjuna et ses frères, car ils étaient ses petits-enfants. La situation était dans une impasse. Shri Krishna leur conseilla alors d'aller directement voir Bhishma lui-même et de lui demander comment trouver un moyen de sortir de cette impasse. Bhishma savait en son cœur que les Pandavas étaient du côté du dharma, qu'ils étaient justes et chastes, et qu'il était le plus grand obstacle sur le chemin vers leur victoire. Bhishma leur dit alors que, dans la bataille, s'il se trouvait en face d'un autre genre humain, possédant à la fois les caractéristiques d'un mâle et d'une femelle, il cesserait de se battre et ne lèverait pas les armes contre cette personne.

La bataille fait rage sur le champs de bataille de Kurukshetra

Shikandi, l'eunuque ni homme, ni femme.

Amba, ayant été insultée par Bhisma, avait fait de nombreuses austérités et actes dévotionnels envers Shiva, afin de recevoir le don de se venger de Bhisma. Elle avait obtenu gain de cause et est la raison de la mort de Bhishma dans la bataille du Mahabharata. Amba s'était réincarnée en Shikandi, en eunuque, en ayant conscience de sa vie passée et de sa vendetta contre Bhishma. Son corps était de sexe masculin, mais son esprit était celui d'une femme. Amba avait acquis une certaine notoriété en tant que Shikandi dans le royaume, pour n'être pas tout à fait mâle ni femelle, mais les deux à la fois.



Durant cet événement, Bhishma était très fier de montrer ses compétences à Arjuna, qui, bien que très bon archer, n'aurait pas tenu une seconde face à lui s'il n'avait été désarmé. Néanmoins, Bhishma frappa délibérément Krishna d'une flèche pour forcer Krishna à rompre son vœu de non-ingérence. Dans un accès de rage, Shri Krishna prit la roue d'un char, prêt à tuer Bhishma qui aurait aimé décéder de sa main divine. Mais Arjuna tomba aux pieds de Krishna et l'empêcha de rompre son vœu

Le lit de Flèches

Par conséquent le dixième jour de la bataille, Amba maintenant Shikhandi accompagna Arjuna, le petit-fils préféré de Bhishma. En voyant Shikhandi, Bhishma savait qu'il ne pouvait pas la tuer car il avait reconnu la réincarnation d'Amba. A cet instant, Krishna demanda à Arjuna de tirer sur Bhishma. Donc, à contrecoeur, Arjuna tira sur Bhishma. Ses flèches créèrent un lit de mort pour Bhishma. Bhishma, ayant le droit de choisir le moment de sa mort, décida qu'il était temps pour lui de mourir. 

Petite Réflexion

Dans la grande fresque du Mahabarata ( mata grand, barata: récit ) la mort de Bhisma est inéluctable car c'est seulement ainsi que le Dharma doit être rétabli. Bhisma le sait et accepte sa propre mort comme seule issue aux combat fratricide.

Quelles réflexions suscite en nous cet épisode du « grand récit ». Qu'est ce qui dans notre propre histoire nous a emmené à ce que nous vivons maintenant, à cet instant précis. Quels ont étés nos choix, quelles ont été nos actions et leur portée. Et si maintenant, c'était notre dernière pratique de yoga, un aboutissement de tout ce que nous sommes. Et si à l'instar de Bhisma, nous pourrions choisir le lieu et le moment précis de notre mort? Quels seraient ils? Qui viendraient sur notre lit de mort, que laissons nous comme héritage. Bhisma sur son lit de flèches, son lit de mort, est honoré, respecté par tous parce qu'il continue à prodiguer sagesse. Le choix de sa propre mort est un acte de bienveillance suprême, acte de sacrifice pour les autres.

Et si dans une posture comme Bhismasana, nous acceptions aussi de mourrir symboliquement. C'est à dire laisser partir dans les flèches, les clous, les briques, un peu de notre histoire. Si nous acceptions de nous débarrasser de nos conditionnements, de nos peurs, bref de tout ce qui nous empêche de vivre pleinement la vie et de laisser un héritage de sagesse autour de nous. Une partie de nous doit mourrir, nous devons apprendre à prendre distance avec les douleurs et les joies éphémères de la vie.

La condition humaine est faite de souffrances inéluctables, nous devons tous vieillir et mourrir. Ce sont les flèches que nous lancent la vie et face à cette souffrance fondamentale ( Dukkha ), nous pouvons y répondre par le chagrin, la détresse, le blâme et le regret, ou aussi en nous accrochant désespérément à des plaisirs toujours voués à disparaître. Nous ne pouvons éviter les premières flèches de l'existence, métaphores de la souffrance de la condition humaine. Cependant nous pouvons éviter les deuxièmes flèches de l'existence que sont nos propres conditionnements. Pourrions-nous être moins réactif face à l'inconfort. La mort et la vie de Bhisma en sont un exemple.

L'histoire de Bhisma illustre ce principe, il accepte avec calme ses blessures. Souffrant physiquement, il utilise son le temps qui lui reste pour réconforter les siens, ceux-là même qui lui ont tirés les flèches qui transpercent son corps.

pariṇāma tāpasaṃskāraduḥkhaih guṇavṛttivirodhā ca duḥkham eva sarvaṃ vivekinaḥ

(Patanjali Yoga Sutras, 2:15)


Pour le sage, tout contribue à la souffrance: le changement, notre désir de changer, notre difficulté à modifier nos habitudes et même les changement des qualités fondamentales de la nature - les gunas.


heyam dukham anagatam (YS II,16)

La pratique du yoga peut nous prémunir des souffrances inhérentes à l'existence humaine.

tatah klesha karma nivrittih ( YS IV,30 )

Un tel mental est totalement débarrassé des cinq obstacles

Bhismasana, origine et effets...

La posture de Bhishmasana a été développé par BKS Iyengar pour soigner les personnes ayant des problèmes cardiaques.  «Savasana sur pilotis».( 14 blocs au départ ). Posture géniale qui a été peu pratiquée en dehors du Iyengar parce qu'elle demande beaucoup de préparation, de blocs et une assistance externe. ( il existe une version simplifiée: voir en au bas ). Iyengar s'est souvenu de Bhisma et lui a rendu hommage. Cette posture nous renvoie vers le fantasme du lit de clous des "fakirs" ( ces fameux renonçants indiens musulmans ) ou encore au lit de flèches et enfin au tapis volant, et c'est d'ailleurs un peu ces sensations que nous expérimentons dans cette posture.


Dans cet asana, nous rentrons dans une sorte de sommeil yogique qui reste conscient. Les points d'appui, qui font penser à des points de contact dans l'acupuncture, nous empêche de tomber dans un espèce d'état comateux. Et c'est là le génie de Iyengar, on profite des effets d'un asana tout à fait passif dans lequel nous pouvons nous abandonner entièrement tout en restant vigilant. Les points des blocs dans le corps sont des stimulants puissants qui non seulement garde un aspect rajasique ( volontaire ) de cette posture tamasique ( inertie ).

Hanuman, le dieu singe offrant sa dévotion au roi Rama (avatar de Krishna )  et son épouse la belle Sita


La région du coeur est fortement stimulée, elle s'ouvre pour mieux "liquifier" le sang et fluidifier la circulation. De plus les points d'ancrage des blocs stimule la peau, la chaire , les muscles principaux qui viennent " se coller" aux os, stimulant ainsi la moëlle osseuse et sa production d'anti corps, les globules blancs. C'est ainsi qu'est stimulé notre résistances aux attaques virales. Intuition géniale, d'un grand yogi ayant exploré les moindres recoins de son propre corps.

Pour l'avoir pratiqué, cette posture procure une sorte d'état de grâce, d'abandon léger comme si le corps volait tout restant conscient de la moindre de ses sensations, de sa respiration qui adopte un très fin uddyana bandha ( creusement du ventre avec respiration thoracique ).


Technique

Pour la version ci-dessous, vous aurez besoin de neuf à quatorze blocs de la même épaisseur, et idéalement faits du même matériau, avec un assistant pour aider au placement initial des blocs. Une fois que vous avez déterminé exactement combien de blocs votre corps a besoin et où il en a besoin, vous pouvez le faire vous-même.
Allongez-vous comme vous le feriez pour savasana, les bras loin de votre corps un peu en dessous des épaules.

Placer des blocs:
-à la base de votre crâne
- derrière le cœur, entre les omoplates
-au centre de votre sacrum
-à l'arrière de vos cuisses
-sur vos talons ou chevilles arrière
-à vos poignets ou avant-bras


Vous voudrez peut-être des blocs supplémentaires sous le dos de vos épaules, là où les os des bras rencontrent les côtes supérieures, et également sous vos mollets.
Les blocs doivent tous être de la même hauteur. Traditionnellement, ils sont placés à l'extrémité (à leur hauteur la plus élevée), mais ajustez si cela est trop élevé pour vos besoins. Les positionner horizontalement plutôt que verticalement ressemble moins à une flèche, mais cela peut être plus confortable pour votre corps.

Si vous avez des problèmes d'épaule et / ou des bras très longs, vous préférerez peut-être élever vos poignets plus haut que vos orbites et peut-être placer des blocs supplémentaires derrière vos épaulettes (là où les os des bras rencontrent les côtes).
Votre tête ne doit pas pendre en arrière; vous pouvez utiliser un demi-bloc supplémentaire ou une couverture pliée pour créer suffisamment de hauteur pour garder la nuque longue et le menton légèrement plus bas que le front.
Si vous avez des genoux très mobiles et de longues jambes, vous voudrez peut-être placer des blocs derrière les cuisses (juste au-dessus de vos genoux) ou sous vos mollets pour protéger vos genoux de l'hyperextension.

Après avoir établi votre fondation de blocs, cédez-y votre poids. Notez les points de pression activés. Restez quinze minutes. Pour sortir de la pose, pliez les genoux et placez vos pieds sur le sol. Retirez les blocs sacrés, placez vos mains sur le sol et soulevez votre poitrine et votre tête en position assise.


Pratiquer seul

Comment entrez-vous dans cette pose sans assistance? Tout d'abord, tracez un contour approximatif sur le sol de l'emplacement des blocs lorsque vous vous allongerez dessus. Allongez-vous avec les blocs à portée de main. Placez les blocs sous la tête, le cœur et le sacrum, en gardant les autres blocs à portée de main. Étendez ensuite vos jambes et positionnez les blocs de pied. Enfin, étendez les bras, placez votre première main sur son bloc et remuez votre main restante sur le dernier bloc. J'ai acquis quelque part un tabouret en bois qui a exactement la hauteur d'un bloc de yoga et la largeur de deux blocs. Si je commence par m'asseoir sur ce tabouret, je peux m'appuyer sur les blocs du cœur et de la tête, avancer en avant sur le tabouret jusqu'à ce qu'il soit sous mon sacrum et étendre mes bras et mes jambes pour atteindre les autres blocs. Certaines personnes utilisent un traversin ou un banc sous leurs hanches, ce qui fonctionne pour l'élévation mais élimine l'effet «d'acupression» d'un bloc sur votre sacrum.

Une excellente variation minimaliste de cette posture utilise simplement un bloc entre les omoplates ( sous la région du coeur ) et un à la base du crâne. Les jambes peuvent être pliées ou droites, les poignets surélevés ou au sol, comme vous préférez. Ceci agit comme un magnifique "ouvre-poitrine" et épaules.