Le pinard du chef et le cosmos.

12/07/2019

La petite histoire du jour, le pinard du chef et le cosmos. C'était dans un patelin perdu du sud de la Georgie à la frontière arménienne. Suite à une très longue journée de tournage, dans la chaleur, nous sommes arrivés chez ce vieux monsieur centenaire... qui venait se plaindre de la dégradation de la rivière au bas de son terrain. Surprise, c'était un petit vignoble. D'une bassine qui devait être un baril de pétrole dans sa vie antérieure, il nous propose de "sa piquette", pensions-nous , les snobs de l'Europe de l'Ouest, grands connaisseurs en bon cru. Il nous sert à la louche d'étain dans des gobelets anciennement de l'armée rouge, et flappp grand sourire de sa mâchoire édentée, et floooof..... Sans façon. D'un air contrit, un sourire forcé,nous nous préparions à la torture gustative. Surprise, à la première gorgée, nous avions goûté à ce qu'est le vin, à ce qu'il devrait être, à cette boisson maîtresse chanté et adorée par le plus grand des poètes soufis, Omar Khayan. J'ai goûté à cette terre sombre, à cette lente maturation de génération en génération, au travail de l'humus, au travail patient de tous ces insectes malaxant sans relâche cette terre millimètre par millimètre. Un goût d'éternité, sorte de mélange entre la lourdeur de cette terre sombre et de ce ciel bleu infini. Alliance subite, sidérante à chaque gorgée, de la terre au cosmos. Je garde encore le souvenir du goût de cette terre. Par la suite, j'ai appris que la vigne et les premiers vins fabriqués par l'homme venait de cette région, située entre le sud de la Georgie, l'Arménie actuelle, un bout d'Azerbaïdjan et le nord iranien ( le Chiraz, cultivé depuis 5000 ans et interdit par la république islamique )... Ce jour là, nous nous sommes saoulés, joyeux, reliés ensemble, le coeur ouvert, le palais goûtant de cette terre noire et la tête dans les étoiles, légers, simplement vivant. Merci Anzor, vieux centenaire d'un coin perdu, tu nous as fait goûter à ce que peu être cette sensation d'éternité. Envie de goûter à l'alliance de la terre au cosmos, ou de limiter sa pratique du yoga à une séance de Bien être... Oui être un bon prof ne se compte pas en heures, en années de formation, certes. On peut être un analphabète physique, ne jamais avoir fait de sport et soudain goûter à la "grâce", à l'extase du samadhi. On peut avoir pratiqué toute sa vie intensivement et ne jamais parvenir à l'état de grâce. Chaque asana est l'incarnation d'une symbolique profonde, d'une gestuelle plongeant dans nos racines. Nous manipulons des forces telluriques ainsi que des forces cosmiques. Une "formation de profs" au travers la connaissance, la pratique devrait nous en faire prendre conscience. Tadasana-savasana sont les deux postures du yoga, les asanas sont leurs variations comme des perles qui se faufilent sur un fil tel des jalons de notre connaissance parce que au delà, ce n'est que l'imaginaire. Mettriez-vous un glaçon dans un grand cru ?