Virabhadra, la colère de Shiva.

Voici l'histoire du cheveu de Shiva transformé en un guerrier redoutable, Virabhadra,  suite à la colère du dieu du yoga.

Virabhadra, le guerrier, incarnation de la colère de Shiva


Daksha, un brahman, très à cheval sur les dogmes avait une fille magnifique, Sati qui tomba amoureuse de Shiva.

Daksha, très orthodoxe, détestait ce dieu Shiva avec ses dreadlogs, la peau couverte de cendre. Ce dieu errant, crade sur lui et passant son temps à méditer... Mais Daksha n'avait pas le choix, il ne pouvait pas refuser la main de sa fille au Dieu suprême, le Dieu des Dieux.

Daksha, chef des sacrifices et du rituel védique décida de se venger. Profitant d'une méditation de Shiva, il organisa avec tous les sages un grand sacrifice rituel, le plus grand de l'époque-sans inviter Shiva.

Sati, sa fille, voyant le sacrilège et ne supportant pas l'humiliation faite à Shiva se jeta, désespérée, dans le feu.

Du haut du mont Kailash, Shiva, dans sa méditation, senti immédiatement la mort de sa bien aimée et su pour le sacrilège de son beau père. Très en colère, il s'arracha un cheveu. Cette boucle de cheveu symbolise 'l'infini' en opposition à la 'finitude' des lois humaines.

Shiva lanca la boucle de cheveu sur la cérémonie dirigée par Daksha. La boucle en touchant terre se transforma en un guerrier terrible, Virabhadra, émanation de la colère de Shiva. Il sortit son sabre immense, trancha la tête à Daksha et à tous les convives présents.


Suite à ce massacre, les dieux se réunirent et supplièrent Shiva de faire revivre au moins Daksha. Shiva consentit. Ne retrouvant pas la tête de Daksha, les dieux lui collèrent celle du premier être vivant qu'il virent, une brebis.

Sati était morte brulée, Shiva ne peut la faire revivre sous sa forme initiale. Il devra attendre sa prochaine réincarnation.


Virabhadrasana I, II, III

la série qui incarne la colère de Shiva

La colère est celle de Shiva, le destructeur, sans lequel aucun renouveau n' est possible.

Shiva transforme, il est le symbole de la création. Ses yeux sont mi-clos, car il les ouvre lors de la création du monde et les ferme pour mettre fin à l'univers et amorcer un nouveau cycle. Shiva est aussi la personnification de Tamas (une des 3 forces qui ont engendré la matière) qui représente la libération de tout ce qui lie, de tout ce qui est individuel et limité. La force centrifuge, qui va vers la mort, la nuit.

La posture du "guerrier" stimule l'énergie héroïque en chacun de nous. Energie puissante qui depuis les pieds, les jambes se transmet au coeur. L'audace et la détermination se manifestent au travers cette ouverture, la sagesse du coeur ouvert.


Le cycle du guerrier:

Quand on enchaîne ces postures dans une séquence, celle-ci se transforme en une sorte de danse du guerrier. Danse martiale et virile d'où l'énergie des cinq éléments circule depuis la base des pieds jusqu'au bout des doigts. On tient un sabre imaginaire, prolongement du geste puissant du bras.

Virabhadrasana I ,

le poids du corps se porte vers la jambe arrière puissamment tendue vers le sol, elle est l'ancrage ( la terre ) de la posture. C'est à partir de cet ancrage au sol que la poitrine, les bras peuvent s'envoler vers le ciel ( l'air-ether ). On tend le sabre imaginaire, prolongement imaginaire puissant du bras, vers le ciel. Geste d'abandon, de dévotion adressé au ciel. Plus le bassin descend vers le bas , énergie descendante, plus se crée cette sensation puissante d'élévation sorte de libération du coeur mu par une grande volonté ( le feu ), le tout se transforme en énergie ascendente, le cerveau se détend. L'esprit bien que fortement ancré dans la posture gagne dans cette sensation de liberté, d'espace ( ether ). La jambe avant, à 45° degré par rapport au sol jour le rôle d'équilibre, de fluidité nécessaire ( eau ).

Virabhadrasana II,

je ressens cette posture comme une transition, un geste qui en appelle un autre, un geste en suspension, en attente. C'est le premier geste de l'escrimeur, geste de défi où on scrute son adversaire avant de lancer son attaque. Le regard est tourné vers la main qui pointe comme une cible vers l'infini. C'est un geste suspendu vers.... En vinyasa ( enchaînement ) je l'utilise souvent comme transition entre par exemple trikonasana et parsvakonasana. Elle prépare également très bien parivrtta parsvakonasana, comme si l'énergie suspendue dans le bras pointé vers l'infini facilite la prise de torsion exigeante.

Virabhadrasana III,

est l'aboutissement final de cette séquence. Le bassin  virabhadrasana I est placé dans l'alignement et prépare logiquement à cette formidable élancée vers  virabhadrasana III. C'est une sorte d'enchaînement idéal. L'énergie puisée depuis le sol et l'infini du ciel, s'élance avec vigueur vers l'avant. C'est le coup du sabre fatal et précis. L'esprit est entièrement tourné vers les mains, il s'élance vers cette cible. Ekagrata est atteint, c'est la concentration maximum de l'esprit en un point, préambule vers l'état de méditation. L'esprit vagabond, ce singe fou est vaincu par le geste foudroyant. Les pensées sont concentrées et l'esprit peut dès lors ce dissoudre un moment d'éternité. On atteint subrepticement, quelques instants précieux le sommet de tout art martial, cet état de yoga définit par Patanjali. 

"yoga citta vrtti nirodah" YS I,2

Le yoga est l'arrêt des fluctuations du mental ( d'après BKS Iyengar )

Virabhadrasana I

Virabhadrasana II

Virabhadrasana III

Dessins Vincent Hufty© d'après Yoga Dipika de BKS Iyengar.


Extrait de " Le chien tête en bas " un livre de Clémentine Erpicum aux éditions La Plage.

Je préfère ici laisser la place à quelqu'un d'autre, qui a su mieux exprimer que l'essence de virabhadrasana, les postures du guerrier. Je vous conseille d'ailleurs ce livre qui comprorte également de très jolies illustrations de CAäT...

A cause de la sinistre capacité d'auto destruction dont l'humanité fait preuve, la guerre est perçue comme le fléau universel, le triomphe de la force aveugle. S'exercer au Guerrier pourrait sembler contraire au principe d'ahimsa, la non-violence qui guide les actes du yogi. Mais avec Virabhadrasana, ce n'est pas ua carnage que les yogis ont voulu rendre hommage anéantir: il combat pour secourir; par sa prétention et son attachement aux apparences, Daksha a piétiné l'énergie de Shiva, force destructrice et transformatrice sans laquelle le monde ne peut se renouveler. L'harmonie cosmique étant menacée, la guerre, dans ce contexte, est la manifestation défensive de la vie.

A l'instar de Virabhadra rétablissant l'équilibre cosmique, le yogi cherche à atteindre l'équilibre intérieur. Au lieu de rester prisonnier de son ego limité, le yogi lève les bras vers ce qui se situe plus haut que lui, et ouvre sa poitrine dans une énergie de don de soi. Il agit avec la bonne volonté de Virabhadra, prêt à tous les exploits, mais toujours dans un intérêt qui dépasse le sien.

Virabhadrasana, dont il existe trois variantes, est une posture énergique et exigeante physiquement: sa pratique renforce le corps et le mental. Maintenue un certain temps , la posture génère un sentiment de chaleur, correspondant à l'ardeur intérieure, au tapas ( discipline ) du yogi. Virabhadrasana équilibre le chakra "manipura", le plexus solaire, lié à l'élément feu. C'est le centre de la vigueur et de la plénitude, de la force de caractère et de la confiance en ses propres capacité. Mais le yogi conserve toujours son humilité, symbolisé dans la posture par le genou avant plié.

Quelle que soit la guerre à mener, elle est toujours d'ordre spirituel. Ce n'est jamais une guerre extérieure, menée avec des armes: c'est en lui que le yogi livre bataille. Ce ne sont pas des têtes que le guerrier tranche. Ce sont les chaines de l'ignorance "avidya" ( la non connaissance ), cause de toutes les souffrances.


Un magnifique Témoignage en guise de conclusion.

Un témoignage très émouvant de Stéphane Haskell, pour "La Minute du Yogi" à Propos de Virabhadrasana I qui est la posture symbole qui l'a remis sur "pied".... Episode I: Stéphane Haskell dans "Renaître", posture Virabhadrasana I ( le guerrier de Shiva ).. Stéphane, ancien photographe vivait une vie de playboy jusqu'au jour où il s'est retrouvé paralysé par une hernie foudroyante. Le yoga l'a remis sur pied et il revit et marche. Capsule "Renaitre". Tourné à l'abbaye du bois de la Cambre pendant le Spirit yoga festival en 2017 par votre servieteur dans le cadre d'un projet de mini portrait de yogi pour la RTBF ( télé nationale Belge ). Voir également le lien sur le site AUVIO de la RTBF.